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L’approche “value” est-elle vraiment la meilleure ?

L’approche “value” est-elle vraiment la meilleure ?




Nombreux sont les investisseurs qui pensent que les valeurs “value” surperformeront les valeurs de croissance et seront bien moins volatiles que les autres. L’avantage de l’approche “value” est-elle un mythe ?

Les personnes qui ont investi durant la croissance des années 1990 diront que oui. Les théoriciens et les managers de fonds qui utilisent l’approche value diront le contraire. Alors qui a raison ?

Ce que disent les partisans de l’investissement dans la valeur

Commençons cette argumentation avec le gourou de l’investissement dans la valeur : Benjamin Graham. Graham recherchait des actions qui se vendaient à des prix cassés par rapport à la valeur de leur actif net. Sur une période de 30 ans à partir du milieu des années 1950, un tel portefeuille s’appréciait de 20% par an en moyenne.

Ben Graham a aussi introduit la notion de marge de sécurité, notion qu’il détaille dans son livre Security Analysis de 1934, qu’il coécrivit avec David Dodd. Graham avançait qu’en achetant des actions à un prix inférieur à leur valeur intrinsèque, on pouvait réduire sa probabilité de perte et s’en tirer à bon compte, même si la société ne rebondit pas vivement.

Dans les années qui suivirent, un nombre impressionnant d’études montra que l’approche de Ben Graham était solide. Cela dit, la majorité des études se concentraient exclusivement sur les performances des actions “value”, et non sur le risque attaché.

En 1986, par exemple, Harry Oppenheimer étudia les performances des actions cotées sur le NYSE et l’AMEX qui s’échangeaient à 66% ou moins de leur valeur d’actif net entre 1970 et 1983. Sur cette période, la performance médiane des actions était de 29,4% par an contre 11,5% par an pour l’ensemble des indices. En 1986 également, Roger Ibbotson étudia les actions qui s’échangaient à de faibles multiples de valorisation, comme le Price-to-Book Ration et le PER, sur la période 1967-1984. Il découvrit que les actions affichant de faibles multiples avaient des performances supérieures aux actions à multiples élevés.

Les études qui prouvèrent la supériorité de l’approche value continuèrent de fleurir dans les années 1990. Eugene Fama et Kenneth French étudièrent les rendements mensuels d’actions sur 30 ans, entre 1963 et 1992. Ils démontrèrent que les actions à faible PBR surperformaient de 4,9% par an en moyenne les actions à PBR élevé. Petite précision : Fama et French classaient également les actions suivant leur taille. Ils en conclurent que les small caps en particulier offraient la plus grande performance.

La notion de risque fut ensuite débattue en 1993. Josef Lakonishok, Robert Vishny et Andrei Schleifer examinèrent les rendements des investissements de tout le NYSE et des sociétés cotées sur l’AMEX suivant leur PBR, leur PER et leur ratio Price-to-Cash Flow (prix divisé par unité de trésorerie) entre 1968 et 1990. Le trio observa que les stratégies “value” affichaient non seulement des performances plus élevées, mais qu’elles étaient aussi moins risquées. En effet, les actions “value” surperformaient généralement les valeurs de croissance lors des pires mois qu’ait connu le marché.

Ce que disent les détracteurs de l’investissement dans la valeur

Malgré ce qui ressemble à un avantage indéniable en faveur de l’investissement dans la valeur, cette stratégie a dû faire face à des défis à la fin des années 1990.

Les fonds à forte croissance gagnèrent 18,1% par an en moyenne, entre 1996 et 2000 alors que les grands fonds dans la valeur ne firent que 13,9% de croissance par an. Cette sous-performance notable vit se déchaîner ses détracteurs. Et ses critiques soulevèrent quelques points assez difficiles à réfuter.

Plus particulièrement, les détracteurs soulignent le fait qu’aucune de ces études sur la valeur n’inclut les frais de transaction ! Et pour ne rien arranger, l’approche “value” préconise de rééquilibrer son portefeuille chaque année, ce qui alourdit l’impact des frais.

Les détracteurs remettent également en cause l’idée selon laquelle les actions dans la valeur sont, au départ, moins risquées que les actions de croissance. En d’autres termes, ils n’adhèrent pas au concept de marge de sécurité. Bien qu’un regroupement de plusieurs actions dans la valeur puissent offrir une marge de sécurité, celle-ci peut vite venir à disparaître pour des valeurs appartenant à des secteurs risqués.

Philip Morris en est la preuve. L’action entra en 1999 sur le marché avec un PER autour de 20, soit plus bas que celui du S&P500, encore plus faible que celui du S&P 500. Les gestionnaires de fonds dans la valeur comme l’ancien directeur de Oakmark Fund OAKMX, Robert Sanborn et le gérant du fonds Kemper-Dreman KDHAX à haut rendement, David Dreman, soutiennent que cette action était échangée bien en-deçà de la valeur de ses filiales, Kraft Foods et Miller Brewing. Selon la définition de Graham, l’action Philip Morris semblait avoir une marge de sécurité. Jusqu’à quel point son prix pouvait-il chuter ?

Eh bien, bien plus encore ! Les litiges constants autour du tabac firent baisser le prix de l’action Philip Morris de moitié en 1999. Le PER de l’action faiblit pour n’atteindre qu’un petit 7,2 à la fin de l’année. La leçon à retenir est celle-ci : les actions peu chères peuvent le devenir encore moins, et une action à bas prix n’est pas toujours une bonne affaire.

De plus, la disparition des dividendes rend, en théorie du moins, les valeurs “value” plus risquées qu’auparavant. Ainsi, les dividendes furent utilisés pour amortir des rendements de nombreuses actions au moment de la chute des marchés. Car même lorsque les actionnaires perdaient de l’argent quand le prix de l’action de l’entreprise était en baisse, ils recevaient au moins une part des recettes sous forme de dividendes.

Finalement, les actions “value” s’avérèrent moins performantes que les actions de croissance lors de certaines périodes creuses sur les marchés, comme lors de la récession des années 1990. Cette année-là, les fonds d’investissement dans la valeur moyen perdirent en moyenne 6,4% alors que les fonds axés sur les valeurs de croissance ne perdirent en moyenne que 2,4%.

Ceci est dû au fait que les titres “value” sont souvent de nature cyclique ; ils ont sensibles aux cycles économiques et stagnent en période de récession. A l’inverse, de nombreuses valeurs de croissance restent relativement prospères durant les récessions, en particulier les entreprises stables dans le secteur de l’agrolimentaire et des pharmaceutiques.

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