Livret épargne Distingo sans risque : 4 % pendant 3 mois*
La stratégie de sortie de la Fed

La stratégie de sortie de la Fed




Traduction libre de la tribune de Ben Bernanke, Président de la Fed, sur le Wall Street Journal du 21 juilllet 2009, intitulé “The Fed’s Exit Strategy”.

“La gravité et l’étendue de la récession mondiale ont nécessité une politique monétaire très accommodative. Depuis le début de la crise financière il y a maintenant presque deux ans, la Fed a abaissé le taux directeur interbancaire, maintenant proche de zéro. Nous avons également élargi le bilan de la Fed en y incluant des achats de valeurs mobilières long terme et en consentant des prêts ciblés afin de dégeler le flux de crédit.

Ces actions ont atténué l’impact de la crise financière sur l’économie. Elles ont également amélioré le fonctionnement des principaux marchés de crédit, tels que le marché des prêts interbancaires, les billets de trésorerie, le crédit à la consommation et aux PMEs, et le crédit immobilier résidentiel.

Mes collègues et moi-même pensons que les politiques accommodatives resteront sûrement en vigueur pendant un long moment. Cependant, au moment de la reprise économique, nous devrons resserrer la politique monétaire pour empêcher l’émergence, à terme, de pressions inflationnistes. Le Federal Open Market Committee (NdT : FOMC), responsable de la politique monétaire des Etats-Unis, a consacré beaucoup de temps sur des questions liées à une stratégie de sortie. Nous sommes confiants ; nous disposons des outils nécessaires pour mettre fin au moment opportun à la politique monétaire accomodative, avec souplesse et rapidité.

La stratégie de sortie de la Fed est étroitement liée à la gestion du bilan de la Fed. Lorsque la Fed effectue des prêts ou acquiert des valeurs mobilières, l’argent entre dans le système bancaire et finissent par apparaître sur les comptes de dépôts que les établissements financiers détiennent à la Fed. Ces réserves financières représentent aujourd’hui 800 milliards de dollars, ce qui est bien plus que la normale. Et aux vues des actuelles conditions économiques, les banques ont généralement déposé leurs réserves à la Fed.

Mais à mesure que l’économie redémarre, les banques devraient avoir plus d’occasions d’utiliser leurs dépôts pour les prêter. Cela engendrerait une croissance rapide de la masse monétaire (par exemple, M1 ou M2) et un assouplissement des conditions de crédit, ce qui pourrait en définitive déboucher sur des pressions inflationnistes, à moins d’adopter des mesures politiques compensatoires. Quand arrivera le moment où nous devrons renforcer la politique monétaire, nous aurons soit à éliminer ces grandes réserves d’avoirs, soit, dans le cas contraire, à neutraliser leurs potentiels effets indésirables sur l’économie.

Dans une certaine mesure, les dépôts des banques à la Fed diminueront automatiquement car l’amélioration des conditions financières entraînera une moindre utilisation de nos prêts court terme, voire leur disparition. En effet, les facilités de crédit court terme que la Fed avait élargi aux institutions financières et aux autres acteurs du marché a déjà chuté pour se retrouver à 600 milliards de dollars à la mi-juin, alors qu’il était encore de 1500 milliards de dollars fin 2008. De plus, ces réserves devraient se réduire de 100 à 200 milliards de dollars par an dans les prochaines années lorsque les titres détenus par la Fed arriveront à échéance ou sont payés d’avance. Néanmoins, les réserves resteront probablement assez conséquentes encore quelques années, à moins que de nouvelles politiques ne soient mises en place.

Même si notre bilan financier reste très large pendant un temps, nous disposons de deux grands leviers pour resserrer la politique monétaire : rémunérer les dépôts ainsi que d’autres mesures qui réduiront le montant des réserves. Nous pourrions recourir à l’une ou l’autre de ces approches mais, pour une meilleure efficacité, nous les combinerions sûrement.

En automne dernier, le Congrès nous a autorisé à rémunérer les dépôts que les banques nous confient, au taux de 0,25%. Quand viendra le moment de resserrer la politique monétaire de la Fed, nous pourrons augmenter les taux d’intérêts sur les dépôts en relevant les taux directeurs.

En général, les banques ne prêtent pas de fonds sur le marché monétaire si le taux d’intérêt qui y est offert est inférieur au taux sans risque de la Fed. De plus, elles devraient se concurrencer pour emprunter sur le marché des fonds à des taux inférieurs à ceux de la Fed car,en procédant, elles peuvent engranger un spread sans prendre aucun risque.

C’est pourquoi les taux d’intérêts que paie la Fed devraient être constamment inférieurs aux taux court terme du marché, y compris les taux directeurs. Augmenter la rémunération des dépôts découragera aussi une croissance excessive de la masse monétaire et du crédit parce que les banques refuseront de prêter leurs réserves pour un taux inférieur à celui dont ils peuvent bénéficier à la Fed.

Une longue expérience internationale démontre que payer des intérêts aux dépôts permet de maîtriser efficacement les taux de marché court terme. Par exemple, la Banque centrale européenne laisse les banques placer leurs surplus de réserves dans des comptes rémunérés. Même si les opérations de quantitative easing de la banque centrale font largement grossir son bilan, le taux interbancaire au jour le jour reste supérieur ou égal au taux de dépôt. La Banque du Japon et la Banque du Canada se sont également servi de leur pouvoir de rémunérer les dépôts pour mettre un plancher sous les taux court terme des marchés.

Malgré tout, les taux directeurs se sont retrouvés sous le taux effectivement payé par la Fed, en particulier en octobre et novembre 2008, moment où la Fed commença à rémunérer les dépôts. Ceci résulte de certains facteurs temporaires, comme l’inexpérience des banques envers le nouveau système.

Néanmoins, ce phénomène semble également résulter du fait que de gros prêteurs sur le marché, notamment des entreprises gouvernementales comme Fannie Mae et Freddie Mac, n’ont pas le droit de toucher des intérêts sur leurs dépôts à la Fed. De ce fait, ils ont tout intérêt à prêter sur le marché à des taux inférieurs à ceux dont bénéficient les banques à la Fed.

Dans des conditions financières plus normales, la volonté des banques à effectuer l’arbitrage simple défini ci-dessus aurait tendance à limiter l’écart entre le taux directeur et le taux auquel la Fed rémunère les dépôts. Si l’écart persiste, le problème peut être réglé en complétant le paiement d’intérêts par des mesures visant à réduire les réserves et drainer les liquidités excessive du marché. Cette dernière mesure équivaut à un resserrement de la politique monétaire.

Voici quatre façons de procéder :

Premièrement, la Fed peut drainer les dépôts des banques et réduire le surplus de liquidité des institutions financières en mettant en place avec elles des rachats inversés, à grande échelle. Par ces accords de rachats inversés impliquent, la Fed vend son portefeuille de valeurs mobilières tout en s’engageant à les racheter à une date future à un prix légèrement plus haut.

Deuxièmement, le Trésor pourrait vendre des bons et en déposer les recettes à la Fed. Lorsque les acheteurs paient pour les titres, le compte du Trésor à la Fed augmente et les dépôts baissent.

Le Trésor a déjà mené ce type d’opérations depuis l’automne dernier, dans le cadre du Supplementary Financing Program (NdT : programme d’émission de titres de dette supplémentaires). Bien que les opérations du Trésor aient aidé, nous devons faire en sorte d’obtenir l’assurance que nous pouvons atteindre nos objectifs sans dépendre du Trésor, afin de préserver l’indépendance de la politique monétaire.

Troisièmement, usant du droit que le Congrès nous a accordé de rémunérer les dépôts des banques, nous pouvons proposer aux banques des dépôts à terme, similaires à ceux que les banques accordent à leurs clients. Les dépôts à terme des banques à la Fed ne seront pas réutilisés sur le marché.

J’en arrive à mon quatrième point : si nécessaire, la Fed pourrait réduire le niveau des liquidités en réserve en vendant une partie de ses valeurs mobilières long terme sur l’open market.

Chacune de ces politiques pourraient contribuer à relever les taux d’intérêt à court terme et limiter la croissance de la masse monétaire, renforçant ainsi de fait la politique monétaire.

Dans l’ensemble, Fed dispose de nombreux outils efficaces pour resserrer la politique monétaire lorsque l’environnement économique l’exigera. Cependant, comme mes collègues et moi-même l’avons dit, il est peu probable que les perspectives économiques justifient un tel resserrement. Nous calibrerons le moment et la rapidité d’un éventuel resserrement à venir, avec l’aide des leviers dont nous disposons, afin de remplir au mieux notre double objectif : taux d’emploi maximum et stabilité des prix.”

Lire la version originale sur le site du Wall Street Journal.