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Trois idées reçues sur le désendettement

Trois idées reçues sur le désendettement




 

Cet édito s’insurge contre trois idées reçues : seule une politique d’austérité peut permettre le désendettement public ; seule la hausse du pouvoir d’achat peut permettre le retour de la croissance ; la progression des inégalités en France implique pour les corriger, une hausse de la charge fiscale sur les riches.

1. Seule une politique d’austérité peut permettre le désendettement public

C’est la doctrine actuellement professée par les autorités européennes (Commission de Bruxelles, BCE), inspirée par la réussite des réformes de structures (lois Harz) menées par l’Allemagne entre 2003 et 2007 : en réformant le marché du travail, ce qui se traduisit par une modération des salaires, Schröder rendit à son pays son avantage compétitif, concrétisé par une augmentation substantielle des exportations, donc du taux de croissance allemand et, en conséquence, une stabilisation de la dette publique.

Ce remède miracle fut donc imposé à la Grèce par la troïka (FMI, Commission, BCE), en contrepartie de financements destinés à permettre à celle-ci de survivre. L’austérité imposée (baisse des salaires des fonctionnaires, des retraites, réformes de structure) est censée permettre la diminution de la dette grâce à la baisse des dépenses publiques. Sauf que la baisse forte et soudaine du niveau de vie des grecs entraîne une chute de la consommation sévère et donc une récession pérenne, se traduisant par une chute des recettes fiscales et un déficit budgétaire incompressible, source d’un endettement accrû.

Qu’est ce qui distingue alors la situation grecque et allemande? Fondamentalement, la notion de compétitivité. Lorsque le pouvoir d’achat des Allemands a diminué sous l’effet des réformes structurelles, le relais a été pris par les exportations, qui ont contribué largement à la croissance ainsi qu’il a été indiqué précédemment. Dans le cas de la Grèce, c’est impossible, car le coût du travail excessif dans ce pays (par rapport aux pays voisins, Turquie ou Bulgarie), ainsi que la contrainte d’un euro surévalué rendent le défi insurmontable.

Si maintenant, on considère l’expérience de l’Argentine en 2000-2001, victime d’un surendettement public, la sortie de crise n’a été possible que par la dévaluation du peso de 60% en 6 mois, ce qui a rendu leur compétitivité aux produits argentins et permis ainsi de retrouver le chemin de la croissance et donc du désendettement.

Par conséquent, la voie du salut pour la Grèce, c’est d’abord la dévaluation (c’est à dire la sortie de l’euro et le rétablissement de la drachme (1) ) et ensuite progressivement, la baisse des dépenses publiques accompagnée de réformes structurelles (qui de toutes façons sont assez longues à produire leurs effets positifs).

2. Seule la hausse du pouvoir d’achat peut permettre le retour de la croissance

Prenons le cas de la France. Le nouveau Président, François Hollande, souhaite maintenir les dépenses publiques à son niveau actuel soit 56% du PIB(2 ) . C’est bien sûr une erreur. L’important est de retrouver la compétitivité de l’économie française, en pesant sur la hausse des coûts de production. Pour cela, il faut abroger définitivement la loi des « 35 heures » et terminer la réforme des retraites.

Il faut également favoriser l’offre de produits, donc la création d’entreprise et l’innovation. Sachant que le déficit commercial français représente 2.5% du P.I.B, on comprend qu’un retour à l’équilibre de la balance commerciale peut faire plus pour la croissance de l’économie française que l’ouverture des vannes des subventions publiques.

C’est en s’attaquant à notre compétitivité, en définissant une politique industrielle de long terme, que l’on produira de la croissance. Celle-ci facilitera ensuite la baisse du chômage et la hausse des recettes fiscales et, par voie de conséquence, la réduction et la disparition du déficit budgétaire, indispensables à toute politique sérieuse de désendettement.

3. La progression des inégalités en France implique, pour les corriger, une hausse de la charge fiscale sur les « riches »

Bien que mon analyse ne soit pas politiquement correcte, elle demeure confirmée par les faits : si l’on compare les 10% les plus riches aux 10% les plus pauvres, voici les statistiques établies pour L’OCDE, pour la période 1985-2008 (en pourcentage de variation annuelle) les 10% les mieux rémunérés ont vu leurs salaires progresser de 1.3% et les 10% les moins bien rémunérés de 1.6%. Les chiffres respectifs pour la Grande-Bretagne sont : 2,5% et 0,9% ; pour les Etats-Unis :1,5% et 0,1% ; même l’Allemagne (et c’est une surprise) connaît la même progression 1,6% et 0,1% !

En conclusion, ces chiffres montrent que les inégalités, si on met de côté les 0,1% les plus riches(3), ont tendance à baisser légèrement en France. Ces statistiques corroborent bien les autres éléments de mesure (coefficient GINI de 0,33 pour la France, contre 0,41 pour les Etats-Unis et 0,51 pour la Chine (4) ).

Or l’histoire nous apprend que la croissance tend à faiblir, au fur et à mesure, que les inégalités diminuent. Inversement l’exemple de la Chine indique qu’un minimum d’écart de niveau de vie est nécessaire pour favoriser la croissance (il suffit de comparer les taux de croissance sous Mao et sous Peng et ses successeurs (5) ).

En ce qui concerne la France, la pression fiscale est déjà suffisamment forte (record parmi les pays industrialisés) et concentrée sur les classes moyennes/supérieures, pour qu’on  puisse penser qu’une hausse supplémentaire vérifiera l’axiome de Lafer : « trop d’impôt tue l’impôt ».

Nous conclurons en affirmant que le désendettement ne pourra réussir que si nous commençons par rétablir la croissance. Celle-ci ne proviendra pas d’une relance de la consommation par les dépenses publiques (6), mais d’un effort continu en faveur d’un retour à la compétitivité des entreprises françaises et en s’inspirant de l’exemple allemand et en libérant le marché du travail, pour faciliter une politique de l’offre. Le reste viendra logiquement en son temps : « il faut semer avant de récolter ».

Bernard Marois
Professeur Emérite à HEC PARIS
Président d’Honneur du Club Finance HEC

(1) C’est la solution que je préconisais déjà il y a plus d’un an (cf. mes éditoriaux précédents). Que de temps perdu !
(2) Sans croissance parallèle, ce ratio passera à 60% dans 3 ans, si le programme socialiste est appliqué. A ce moment là (2015), le taux de prélèvement dépassera 50% ! Les limites du supportable seront alors dépassées.
(3) Ces personnes (artistes, footballeurs, grands patrons) disposent de toutes façons de solutions pour éviter le fisc , difficiles à contrer (dans un contexte de mondialisation des capitaux). 
(4) Plus ce taux est bas, plus le taux est égalitaire (cf. mon édito du 8 mars 2012 : « croissance et inégalités »).
(5) Il est également évident que de trop grosses inégalités tendent à faire baisser le taux de croissance, en démotivant « le pauvre peuple » qui voit la « nomenclature » s’enrichir d’une façon éhontée.
(6) Je récuse également les soi-disants « grands travaux d’infrastructure », dans la mesure où la France est déjà bien pourvue en TGV, autoroutes et autres voies de communication. Il est plus utile d’avoir chaque année 1000 PME qui deviennent des ETI (Entreprises Intermédiaires), capables d’exporter leurs produits vers les pays émergents.