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De l’importance des symboles

De l’importance des symboles




Les analyses économiques relatives au futur de la France font l’objet actuellement d’une grande variété d’articles, à partir de prévisions chiffrées à la virgule près. Pratiquement toutes font l’impasse sur la portée symbolique des mesures décidées ou des assertions des Pouvoirs Publics en la matière.

Nous illustrerons ces effets à travers quatre exemples : le matraquage fiscal ; la lutte contre le capitalisme financier ; le combat contre la délocalisation industrielle ; le sauvetage de l’euro.

1.    Le matraquage fiscal

Deux aspects de cette campagne nous paraissent porteurs de messages, donc ont valeur de symboles de la nouvelle politique économique : la « punition » des riches au nom de la redistribution des revenus et la mise en coupe réglée des « rentiers », qui s’enrichissent en dormant. Dans le premier cas, on mentionnera : la tranche spéciale de 45% sur les revenus supérieurs à 150 000 euros et l’impôt exceptionnel à 75% sur la tranche supérieure à 1 million. Ces mesures reçoivent un écho très négatif à l’étranger et vont donc contribuer à diminuer l’attractivité de la France ; or notre pays présente déjà une balance des capitaux négative (sorties de flux supérieurs aux entrées). Par ailleurs, l’actuel Président a déclaré à plusieurs reprises « qu’il n’aimait pas les riches » (dont font parti les dirigeants des grandes entreprises, y compris étrangères (1)).

En ce qui concerne les soi-disant rentiers qui vont subir une taxation de plus de 40% sur leurs placements (ceux ci ont déjà été maltraités par l’impôt sur le revenu), les prélèvements supplémentaires vont contribuer à éliminer toute motivation pour un investissement en bourse. Sans investisseurs, la place de Paris sera amenée à péricliter. On voit donc qu’en plus de ses effets mécaniques néfastes, le matraquage fiscal ne peut que pousser les capitaux français ou non-résidents à fuir le sol national. Ce mouvement difficile à évaluer d’une façon exacte, a également l’inconvénient de pousser vers l’étranger(2) les personnes ambitieuses (particulièrement les jeunes diplômés) avec un espoir de retour relativement faible.

2.    La lutte contre le capitalisme financier

Certes il y a des dérapages graves de la finance, particulièrement américaine : il faut introduire, bien sûr, des contrôles appropriés et sanctionner véritablement les coupables. Cependant, « il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain » : l’économie réelle a besoin de la finance qui a toujours eu une place essentielle dans le développement de l’industrie (cf. par exemple, les banques d’affaires qui ont financé l’essor des chemins de fer du XIX ème siècle).

Or notre Président a déclaré que « la finance est son ennemi principal » ; certains de ses proches se sont emportés contre les banques « qui ont bénéficié de l’argent de l’Etat », pour éviter la faillite. Des symboles forts que les citoyens français ont intégrés dans leur subconscient. Or, ce n’est pas la vérité ; en réalité, les banques ont emprunté des fonds à l’Etat, ont payé des intérêts assez élevés et ont remboursé. Quant aux investisseurs, c’est leur argent qui permet aux « start-ups » de grandir, pour devenir un jour des entreprises de taille internationale.

On comprend qu’avec de telles références, la France soit la notion la plus hostile à l’économie de marché !

3.    Le combat contre la délocalisation industrielle

La France est en train de s’épuiser dans des combats d’arrière-garde (cf. la sauvegarde impossible du site de Florange), alors que le problème de fond est structurel : accroître la spécialisation industrielle de notre pays, sur le modèle allemand, ce qui implique d’une part,  d’augmenter les investissements en matière de recherche et d’innovation et d’autre part, d’améliorer la compétitivité de nos produits. Or, sur ces points, rien de concret n’a été entrepris depuis de nombreuses années. En conséquence, notre balance commerciale continue à se dégrader et les investissements français à l’étranger dépassent largement les investissements étrangers en France, comme nous l’avons mentionné précédemment. Là encore, les médias s’attachent à commenter d’une façon ininterrompue les fermetures d’usine, au lieu de parler des réussites industrielles françaises (en particulier au niveau des PME ou des TPI). Autre symbole : le Président de la République s’est targué de ne pas posséder de portefeuille de titres, ce qui peut aussi se traduire par le fait qu’il ne croit pas à l’avenir de notre économie ! Ce qui n’est pas glorieux.

Globalement, une majorité de Français semble avoir du mal à comprendre la logique économique qui dit : il faut produire, avant de distribuer ; ce sont les entreprises qui créent des emplois ; sans investissements, aucune croissance n’est possible.

4.    Le sauvetage de l’euro

La dernière campagne électorale a largement montré que les Français s’interrogeaient sur les avantages de l’euro, par rapport au franc. Certains reprochent à l’euro d’avoir attisé une certaine inflation (c’est vrai sur les biens de consommation courante ; c’est faux en ce qui concerne les biens durables). D’autres pensent que le retour au franc permettrait de retrouver de la compétitivité en dévaluant (c’est un leurre, comme nous l’avons expérimenté avec le SME (Système Monétaire Européen) qui n’a pas empêché le piège des dévaluations en cascade, porteuses d’inflation).

Par contre, on oublie toujours de prendre en considération l’intérêt des entreprises (d’un coté elles peuvent tirer parti d’une dévaluation, de l’autre elles seront de nouveau confrontées au risque de change intra-européen). Il est plus facile pour les Pouvoirs Publics de se retrancher sur des considérations de solidarité et donc d’intégration fiscale et budgétaire européenne. Ce qui implique, à moyen terme, un budget communautaire véritablement « fédéral » ( aux Etats Unis, il s’élève à 12% du PIB), donc des transferts très élevés des pays relativement riches ( Allemagne, Europe du Nord, France) vers les pays relativement pauvres (Europe du Sud), ce qui ne peut se traduire que par une baisse du niveau de vie français (puisque la croissance globale de la zone euro  est nulle). On voit donc que l’euro a aussi une véritable valeur « symbolique » (comme « vecteur » de transfert de « richesse ») qui est largement ignoré de la population française.

Certes, les faits économiques sont par nature incontournables et s’imposent en termes « quantitatifs ». Cependant la part symbolique qui les sous-tend, dépend largement de notre culture nationale : l’égalité (3) plutôt que la liberté, la remise en cause permanente du capitalisme, la recherche de boucs émissaires (les méchantes banques, les patrons voyous, etc.). Et cela sera très difficile à changer.

Bernard Marois
Professeur Emérite à HEC PARIS
Président d’Honneur du Club Finance HEC

(1)    Rappelons que selon Hollande, est riche toute personne gagnant un salaire mensuel supérieur à 4000 euros!
(2)    Par exemple, Londres, Dubaï, Singapour, Hong-Kong, etc.
(3)    Cette égalité débouche souvent sur « l’égalitarisme » qui ne fait pas bon ménage avec le capitalisme.