Le Royaume-Uni quitte l’Union Européenne après 43 années d’appartenance à l’UE. Les résultats définitifs donnant le Brexit gagnant à 51,9% des voix ont été suivis d’une déclaration de David Cameron annonçant sa démission dans les mois à venir. Il s’agit donc bien d’une crise politique majeure et rappelons qu’un événement d’ordre politique n’engendre pas automatiquement une récession et une crise de liquidité du système financier. Néanmoins, force est de constater que l’incertitude liée au Brexit a bouleversé une économie mondiale déjà bien fragile.
Ce décalage important entre les attentes du marché et le résultat officiel du référendum britannique créa un vent de panique sur les différentes places boursières mondiales à commencer par la bourse japonaise qui a ainsi plongé de 7,92% après l’annonce des résultats. La Bourse de Paris, comme les autres places européennes subit a également subi une forte baisse. Le CAC 40 a frôlé les 4 000 points, enregistrant une baisse de plus de 10% dans la matinée du vendredi 24 juin. Les turbulences touchent aussi bien sûr le marché des devises. Alors que la livre sterling s’écroule, le yen s’impose comme une valeur refuge. Le marché des matières premières subit aussi les effets de la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne avec une dégringolade du pétrole et une croissance insolente de l’or.
Café de la Bourse revient sur cet événement majeur et vous livre les analyses de 10 professionnels du secteur pour vous expliquer les conséquences financières du Brexit et détailler les opportunités à saisir pour vos placements.
Les conséquences financières du Brexit
Les conséquences financières du Brexit ne se sont pas faites attendre et atteignent une ampleur considérable. Gardons cependant à l’esprit que « l’échelle des mouvements que nous constatons se fait dans un contexte où la livre sterling et les marchés actions ont enregistré de fortes hausses au cours des dernières séances » comme le souligne Fidelity International. Les conséquences financières du Brexit ne se sont pas faites attendre et ont atteint une ampleur considérable.
Le VIX, indice de volatilité des actions américaines, a bondi, de 49% vendredi 24 juin et a chuté à 21% le mercredi 29 juin. Cette baisse de la volatilité s’accompagne de la hausse des Bourses. Ainsi, le CAC 40 a par exemple repassé les 4 200 points le mercredi 29 juin. Gardons cependant à l’esprit que « l’échelle des mouvements que nous constatons se fait dans un contexte où la livre sterling et les marchés actions ont enregistré de fortes hausses au cours des dernières séances » comme le souligne Fidelity International.
La CAC 40 dans le rouge
Les résultats du référendum britannique ont entraîné de très fortes turbulences sur les différentes places boursières du globe. C’est la bourse de Tokyo qui la première a ressenti les durs effets du Brexit avec une baisse de 7,92% à la clôture, intervenue après une suspension de séance pour éviter un krach. Les marchés européens ont également très mal réagi à l’annonce du Brexit. Les bourses de Francfort, Londres et Paris ont plongé à l’ouverture. L’indice européen des marchés actions Euro Stoxx cède 8,48%. On a parlé de « Vendredi Noir » à la Bourse de Londres où la moitié des valeurs du Footsie 100 n’ont pas pu être cotée à l’ouverture. Les financières et les valeurs domestiques ont subi les plus fortes baisses. Aviva a plongé de 18 % après avoir cédé 34 %, Royal Bank of Scotland 17% et Barclays 17%. Le Footsie 100 a perdu en fin de matinée environ 4,5%, ce qui représente tout de même plus de 10%, en dollars, compte tenu de la chute de la livre sterling. La bourse de Paris dévisse également. Les plus fortes baisses concernent sans surprise les financières et les entreprises les plus liées au marché anglais comme Eurotunnel dont le cours a chuté de 34% vendredi 24 juin matin.
Ce sont les valeurs bancaires qui a subi les plus violents effets du Brexit. L’indice européen des banques plonge en effet de plus de 13%, retombant au niveau de 2012 lorsque l’on craignait une explosion de la zone euro. En France, dans la matinée du 24 juin 2016, BNP Paribas a perdu 15,06%, la Société Générale 17,48%, le Crédit Agricole SA 13,12 % et Natixis 13,76%.
La livre sterling en chute libre
Le Brexit s’est accompagné d’un record de baisse pur la livre sterling. La nuit du jeudi 23 au vendredi 24 juin, alors que le Brexit était donné en tête selon les projections de la BBC et de Sky News, la monnaie britannique a dévissé à 1,3305 dollar. Elle a ainsi touché un peu plus tôt son plus bas niveau depuis 1985, selon les annales de l’agence financière Bloomberg.
Cette baisse était depuis quelques semaines déjà redoutée par de nombreux investisseurs craignant un Brexit. Ainsi, le 22 juin 2016, ETF securities publiait un communiqué indiquant que « Les collectes des ETF short-GBP d’ETF Securities [avaient] atteint un record de 275 millions de dollars, les investisseurs continuant de se prémunir contre une baisse de la livre sterling au cas où le pays déciderait de quitter l’UE ».
Face à la situation, la réponse des banques centrales ne n’est pas faite attendre. Selon Saxo Banque : « Pour éviter une nouvelle crise financière, une action rapide et concertée des banques centrales devrait survenir, réunissant a minima la Banque d’Angleterre, la Banque Centrale Européenne, la FED et la Banque Nationale Suisse ». Et en effet, la BCE se réunissait vendredi 24 juin au matin alors même que la Banque Nationale Suisse était la première à intervenir sur les marchés des changes afin de tenter de stabiliser la situation. La Banque d’Angleterre a également annoncé qu’elle apporterait de la liquidité si besoin. On attend donc encore les réactions de la FED, de la BCE ou encore de la Banque Centrale du Japon. Selon Saxo Banque, cette action des banques centrales « pourrait dans un premier temps consister à racheter des GBP sur le marché afin de stopper la chute de la monnaie. Des mesures plus décisives (baisse des taux d’intérêt ou rachats d’actifs) pourraient être envisagées dans un deuxième temps si la panique n’est pas endiguée ». ETF Securities de son côté considère qu’une hausse des taux directeurs par la FED n’est plus envisageable durant l’été. Ce point de vue est partagé par Laurent Gaetani, Directeur Général de Degroof Petercam Gestion qui considère que « la probabilité d’une hausse des taux de la FED à court terme s’éloigne, d’autant plus que les élections américaines se rapprochent ».
Les interventions des banques centrales ne seront néanmoins « certainement pas suffisantes pour rassurer les investisseurs, même si les banques centrales perdureront leurs actions sur le long terme » selon Christopher Dembik, économiste chez Saxo Banque. Stephen Kreuzkamp, Directeur des Gestions de Deutsche Asset Management se veut lui plus rassurant, considérant que « les banques centrales comme les gouvernements s’étaient activement préparés à une telle issue et qu’ils travailleront ensemble à faire tout ce qui est en leur mesure afin d’atténuer les chocs directs liés au résultat de cette consultation ». Même ton rassurant chez Cholet Dupont où selon Vincent Guenzi, Directeur de la stratégie d’investissement, « toutes les grandes Banques Centrales ont annoncé leur volonté de soutenir les systèmes financiers. Un risque systémique comme lors de la faillite de Lehmann Brother, est également écarté ».
Les actifs qui profitent du Brexit
L’Or, le Yen ou encore le franc suisse sont des valeurs refuges sur lesquelles se portent les investisseurs tirent leur épingle du jeu. Ainsi, l’or a connu une hausse de plus de 6% depuis l’annonce du Brexit. Les investisseurs se tournent vers le précieux métal jaune et l’or a bondi de 4,10 % à 1313 dollars l’once vendredi 24 juin. Le Brexit provoque en effet une ruée vers l’or faisant remonter ce métal précieux à son plus haut niveau depuis deux ans.
Le Yen japonais ou le franc suisse constitue également une valeur refuge et les investisseurs se tournent massivement vers les devises nippone et helvètes pour se protéger des aléas du marché. Le franc suisse s’échangeait vendredi 24 juin au matin à 1,0764 franc contre 1 euro, après avoir touché 1,0624 à l’aube. La situation est à peu près identique pour le yen japonais qui serte de valeur refge face à un dollar malmené sur le forex où il a chuté vendredi à la mi-journée à 99,04 yens, chose qui n’était pas arrivée depuis novembre 2013.
Les conséquences et opportunités du Brexit sur votre argent
Quel impact sur l’épargne ?
Les livrets
Pour tous les produits d’épargne réglementés, le Brexit ne devrait pas changer grand chose. Inutile donc de s’inquiéter pour son Livret A, son LDD ou son PEL. En effet, même si la Banque de France a reconnu ces derniers jours que les banques françaises pourraient « être négativement affectées par les atteintes à la stabilité financière européenne résultant d’un Brexit », elle précise que « la Banque d’Angleterre « est à même de mobiliser un ensemble d’instruments pour contenir [des] tensions ». Et ajoutons à cela la réactivité de la Banque centrale européenne qui a organisé une réunion d’urgence tout de suite après l’annonce des résultats donnant le Royaume-Uni favorable à une sortie de l’UE. Les produits d ‘épargne réglementés sont donc relativement à l’abri de fluctuations bien que le Brexit, pourrait troubler l’évolution des taux interbancaires Euribor et Eonia, influant alors légèrement sur les taux des livrets d’épargne réglementée.
En outre, rappelons qu’il existe en France la garantie des dépôts bancaires mis en place par l’État en 1999 : les dépôts bancaires sont couverts par le Fonds de garantie des dépôts en cas de défaillance de la banque, à hauteur de 100.000 euros maximum par déposant et par établissement, et ce, quel que soit le nombre de comptes possédés.
Les fonds euros
Le Brexit devrait entraîner de forts mouvements de capitaux vers des valeurs refuges telles que l’or certes mais aussi les emprunts d’Etat américains, allemands et accessoirement français, dont les taux de rémunération vont donc être amenés à baisser. Or les fonds euros sont majoritairement investis en emprunt d’État, et notamment français. Cependant, comme les fonds monétaires pratiquent quotidiennement la règle de la couverture des positions, il ne devrait pas y avoir de mauvaises surprises. D’autant que les crédits obligataires « sont sous l’anesthésie de la Banque centrale européenne » explique Eric Bourguignon, responsable des activités pour compte de tiers en France chez Swiss Life Asset management. La baisse de rendement pourrait donc croître mais les titulaires de fonds en euros ne doivent pas craindre pour leurs capitaux.
En outre, rappelons qu’une assurance-vie, en cas de défaillance de l’assureur, est couverte jusqu’à 70 000 euros, quel que soit le distributeur (banque, courtier, …). Ce plafond passe à 90 000 euros si le souscripteur perçoit une rente viagère.
Quel impact sur les actions ?
Si vous possédez des actions, ou que vous avez investi dans des fonds via un PEA ou une assurance-vie, vous vous posez sans doute des questions sur les turbulences provoquées par le Brexit sur les places financières et leurs impacts sur le cours de vos titres.
Les actions cycliques, et particulièrement les financières et celles liées à l’énergie devraient connaître les plus fortes fluctuations tandis que les actions des sociétés liées au secteur de la santé et des services publics devraient constituer des valeurs les moins impactées.
Cependant, avant de céder à la panique, il est bon de rappeler que « les entreprises européennes détiennent des bilans particulièrement solides et l’environnement propice aux opérations capitalistiques se maintiendra » souligne Paras Anand, Responsable de la gestion actions européennes chez Fidelity International qui ajoute : « Ceci devrait également atténuer l’ampleur de la baisse des marchés sur les prochaines semaines et à moyen terme ». Car finalement, « Même si la victoire du Brexit implique un potentiel baissier accru, nous n’anticipons pas un scénario catastrophe et des replis marqués des prix devraient accroître les opportunités d’investissement.
Vincent Guenzi, Directeur de la stratégie d’investissement chez Chloet-Dupont se veut rassurant lui aussi et précise que « les résultats des entreprises devrait être beaucoup plus lent et progressif que ce que les marchés anticipent. En conclusion, les investisseurs ne devraient pas s’inquiéter d’un choc économique mondial majeur ». Il ajoute que, même si « les marchés européens subiront durablement le manque de visibilité et la perte de confiance », quand bien même, « les conséquences économiques ne doivent pas être exagérées ». Pour lui, en effet, « le scénario de croissance mondiale peut progressivement amortir les perturbations, d’autant que les politiques monétaires vont rester accommodantes et les taux d’intérêt très bas ».
Selon Yves Maillot, Directeur de gestion des actions européennes chez Natixis, « compte tenu des mouvements très récents et de la forte et rapide reprise des indices depuis le point bas de la séance de jeudi dernier 16 juin (en moyenne de 7% à 8% entre les points bas du 16 et les points hauts de la séance de mardi 21 et de hier jeudi 23), le profil technique des indices actions était devenu très asymétrique : potentiel très limité à la hausse face à un potentiel de baisse de plus en plus large, soit, étant donné le résultat du vote de près de 10% à 12% de repli immédiat pour aller rejoindre les points bas de 2016 (seuils de 4050 et 3900 points pour l’indice CAC40, 2800 et 2700 points pour l’EuroStoxx50, 320 et 305 points pour le Stoxx600). Dans des marchés à faibles volumes ces dernières séances pré-scrutin, le schéma est propice maintenant à un nouvel épisode de forte remontée de la volatilité dans des transactions plus importantes ».
Enfin, soulignons que selon Blackrock®, le Brexit pourrait se traduire par l’émergence d’opportunité sur le terrain des actifs risqués. En effet, Blackrock® considère « que le vote va conduire à la baisse des actions mondiales et d’autres actifs risqués », ajoutant que « les sorties sans discernement pourraient se traduire par des opportunités ». Et en effet, cela paraît tout à fait vraisemblable dans la mesure où, comme le soulignent les équipes de stratégistes de la société de gestion d’actifs : « les marchés américains et asiatiques ne sont affectés que marginalement par la sortie du Royaume-Uni de l’UE, et sont soutenus par un mélange de politiques monétaires accommodantes et de croissance économique ». Cette vision est partagée par Paras Anand, Responsable de la gestion actions européennes chez Fidelity International pour qui « La volatilité à court terme va permettre de profiter des points d’entrées intéressants dans une perspective d’investissements à long terme ». David Guenzi, Directeur de la stratégie d’investissement chez Cholet-Dupont prévoit lui aussi l’émergence d’opportunités qui cependant seront profitables aux investisseurs sachant s’armer de patience et étant « prêts à affronter une très forte volatilité puisque selon lui « nous ne pouvons cependant pas encore prévoir un retour rapide à une tendance haussière des marchés les plus fragilisés». Pour Laurent, Gaetani, Directeur Général de Degroof Petercam Gestion, « il n’y a aucune raison de céder à la réaction exacerbée des marchés, au contraire la volatilité doit toujours être une source d’opportunité ».
Quel impact sur le Forex et la livre sterling ?
La livre sterling, ébranlée par le Brexit, n’avait jamais connu une séance aussi volatile que celle qui a suivi l’annonce de la sortie du Royaume-Uni de l’UE. Elle a plongé d’environ 8% face au billet vert, aux alentours de 1,37 dollar, après être descendue jusqu’à 1,33, soit son plus bas niveau depuis 1985. Parallèlement, le yen, valeur refuge, flambait (en hausse de 6% par rapport au dollar).
Dans ce contexte, il est donc tout à fait recommandé de tirer profit du Brexit en jouant la baisse du GBP sur le forex mais également en tirant partie de la hausse du Yen et du franc suisse.
Quel impact pour les expatriés ?
Le désinvestissement des entreprises françaises présentes au Royaume-Uni et des entreprises britanniques en France atteindrait 5,2 milliards d’euros en cas de sortie sans accord de libre-échange confie à l’AFP Juliette Bertiaux, experte auprès de la Chambre de Commerce et d’Industrie Paris Ile-de-France. Le Brexit est donc une très mauvaise nouvelle pour les expatriés. Les conditions de résidence des 300 000 Français qui vivent au Royaume-Uni, principalement à Londres, s’aligneront sur celles des étrangers en provenance de pays hors Espace économique européen (EEE), avec l’incertitude de pouvoir y rester en cas de perte d’emploi. Les expatriés français Ils pourraient alors être soumis à un certain niveau de revenus pour obtenir le renouvellement de leur permis de travail. Enfin, le régime de retraite, actuellement transférable d’un pays à l’autre, pourrait subir des modifications.
Autre conséquence du Brexit pour les expatriés français, et non des moindres, la chute de la livre sterling pourrait bien compliquer leurs finances personnelles. Se protéger de la baisse de la livre est indispensable pour les expatriés français vivant au Royaume-Uni et qui rentrent fréquemment en France ou ont pour objectif d’y revenir prochainement. En effet, la dévaluation de la GBP face à l’euro amoindrit considérablement leur pouvoir d’achat sur le continent. Il serait alors judicieux d’investir dans des assurances-vie luxembourgeoises qui permettent d’avoir des comptes dans d’autres devises. Ces contrats luxembourgeois possèdent trois avantages notables : ils fournissent une forte garantie de capital en cas de faillite des compagnies d’assurances (le triangle de sécurité), une réglementation fiscale adaptée aux expatriés (neutralité fiscale) ainsi qu’un vaste choix de supports financiers et de devises de référence différentes de l’Euro.
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