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Dette : l’UE doit arrêter de jeter l’argent par les fenêtres !

Dette : l’UE doit arrêter de jeter l’argent par les fenêtres !




La dette publique et privée des pays que l’on surnomme PIIGS (le Portugal, l’Irlande, l’Italie, la Grèce et l’Espagne a atteint un niveau insoutenable.

Les taux d’intérêt des prêts accordés aux pays les plus touchés (le Portugal, l’Irlande et la Grèce) ont explosé depuis quelques semaines, malgré les plans de sauvetage financés par l’UE et le FMI. Et les taux d’intérêt des emprunts espagnols sont aussi à la hausse.

Les PIIGS insolvables

La Grèce est manifestement insolvable. Même avec une aide à hauteur de 10% de son PIB, accompagnée d’un plan d’austérité draconien, sa dette publique s‘élève à 1,6 fois son PIB.

Le Portugal dont la croissance stagne depuis 10 ans se dirige peu à peu vers la faillite de son secteur public.

En Irlande et en Espagne, l’inscription des pertes colossales du secteur bancaire au budget de l’Etat s’ajoute à une dette publique qui va croissante et va entraîner une crise souveraine.

La stratégie de l’optimisme aveugle est vouée à l‘échec

La politique officielle, le plan A, suppose non pas que les pays du PIIGS aient un problème de solvabilité, mais qu’ils manquent de liquidité et que par conséquent les prêts de secours en leur faveur (accompagnés de mesures d’austérité budgétaire et de réformes structurelles) leur permettront de supporter le poids de leur dette et leur ouvriront à nouveau la porte des marchés.

Cette stratégie qui consiste à prêter en espérant que tout se passera bien est condamnée à échouer parce que la plupart des mesures auxquelles les pays endettés ont eu recours dans le passé face à une dette excessive ne sont pas applicables.

Pas de planche à billets dans le carcan de l’euro

Impossible de recourir à la solution habituelle, la planche à billets, pour alléger la dette des pays du PIIGS, parce qu’ils sont prisonniers du carcan réglementaire de la zone euro. La seule institution qui puisse mettre en route la planche à billets, la Banque centrale européenne (BCE), n’aura jamais recours à l’inflation face aux déficits budgétaires.

Ne comptez pas sur la croissance

Et il ne faut pas compter sur une croissance rapide du PIB pour les sauver. Leur dette est tellement élevée qu’elle rend pratiquement impossible un rebond économique.

Par ailleurs, la croissance que pourraient atteindre certains de ces pays nécessite des réformes impopulaires qui n’auraient d’effet qu‘à long terme et au prix de sacrifices supplémentaires à court terme.

Dévaluer la monnaie

Pour retrouver la croissance, ces pays doivent redevenir compétitifs en dévaluant leur monnaie, transformant ainsi leur déficit commercial en excédent. Mais l’euro est poussé vers les sommets par la politique de resserrement monétaire dans laquelle s’est engagée très tôt la BCE, une politique qui va miner encore davantage leur compétitivité.

Diminuer le coût du travail pour restaurer la compétitivité

Quant à la solution allemande, diminuer le coût du travail en maintenant la croissance des salaires inférieure à celle de la productivité, il a fallu plus de 10 ans pour qu’elle porte ses fruits. Elle ne peut donc permettre au PIIGS de restaurer compétitivité et croissance dans un délai raisonnable.

Déflation et dévaluation

La dernière voie qui se présente est la déflation des salaires et des prix pour réduire les coûts et parvenir à une véritable dévaluation et restaurer la compétitivité plongerait ces pays dans la récession.

Une dévaluation qui permettrait de restaurer l‘équilibre de la balance extérieure creuserait encore davantage en terme réel la valeur de leur dette en euro, ce qui la rendrait encore plus ingérable.

Accroître l‘épargne privée

Diminuer les dépenses publiques et privées pour accroître l‘épargne privée et appliquer des mesures d’austérité budgétaire ne convient pas non plus.

Le secteur privé peut dépenser moins et épargner davantage, mais cela aurait un coût immédiat : une baisse de la production et une augmentation du taux de la dette par rapport au PIB, ce que l’on appelle le paradoxe de l‘épargne formulé par Keynes.

Une hausse d’impôts étoufferait la croissance

Des études récentes du FMI et d’autres organismes montrent qu’une hausse des impôts, une baisse des subventions et des dépenses publiques, même inutiles, étoufferait à court terme la croissance, ce qui exacerberait le problème sous-jacent de la dette.

Plan B : restructurer et réduire la dette

Si les pays du PIIGS ne peuvent avoir recours ni à l’inflation, ni à la croissance ni à la dévaluation ni à l‘épargne pour résoudre leur problème, le plan A ne peut qu‘échouer. Il faut donc basculer rapidement vers le plan B : une restructuration et une réduction ordonnée de leur dette publique et privée.

Rééchelonner la dette

Cela peut se faire de diverses manières, par exemple en rééchelonnant le calendrier de remboursement de leur dette publique (sans toucher au principal de cette dette) et en réduisant les taux d’intérêt qui sont actuellement d’un niveau insupportable. Cette solution limiterait le risque de contagion et les pertes des institutions financières seraient moindres que si le principal de la dette était réduit.

Transformer les créanciers en actionnaires de l‘économie

Les dirigeants politiques ne doivent pas perdre de vue les innovations qui ont permis d’aider les pays en développement lourdement endettés lors des années 1980 et 1990.

Ainsi les détenteurs d’obligations pourraient être encouragés à les échanger contre d’autres liées au PIB, ce qui leurs permettrait d’engranger des bénéfices fonction de la croissance économique des pays endettés.

Ce type d’instrument transforme les créanciers en actionnaires de l‘économie, ce qui leur donne droit à une partie des futurs bénéfices que réaliseront les pays concernés, tout en allégeant temporairement le fardeau de la dette de ces derniers.

Réduire la valeur nominale des prêts immobiliers

Réduire la valeur nominale des prêts immobiliers tout en offrant une compensation aux banques créditrices (au cas où l’immobilier serait à la hausse à long terme) est une autre manière de transformer partiellement la dette liée aux crédits en actions. Les obligations bancaires peuvent être réduites et converties en actions, ce qui permet d’empêcher une mainmise de l’Etat sur les banques et d‘éviter que la collectivisation de leur perte entraîne une crise de la dette souveraine.

Les créanciers doivent eux aussi porter le fardeau de la dette

L’Europe ne peut se permettre de continuer à lancer de l’argent par les fenêtres pour résoudre le problème de la dette en priant pour que la croissance revienne miraculeusement.

Aucun deus ex machina ne viendra au secours du FMI ou de l’UE. Les créanciers et les détenteurs d’obligations qui ont été les premiers à prêter de l’argent doivent eux aussi porter une partie du fardeau de la dette, ceci dans l’intérêt des pays du PIIGS, de l’Union européenne et dans leur propre intérêt.

Nouriel Roubini
Project Syndicate